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bertrand chedotal

post-capitalisme - idées et propositions

la démondialisation financière

LA DEMONDIALISATION FINANCIERE

 

La démondialisation (ou déglobalisation) financière constitue la voie indispensable pour sortir de la domination des marchés financiers sur l’exercice des pouvoirs démocratiques. Elle doit s’accompagner d’une démondialisation marchande, c'est-à-dire de l’abandon de la dictature du libre-échange des marchandises qui conduit à l’accroissement des déséquilibres sociaux et écologiques.

 

La globalisation financière est née d’un ensemble de décisions visant à la déréglementation de la circulation des capitaux. Elle a commencé par l’arrêt de l’indexation du dollar sur l’or et par l’instauration des taux de change flottants. Elle a débouché sur l’explosion des masses financières en circulation à travers le monde de manière purement spéculative. La déconnexion entre les besoins de circulation des capitaux issus de l’économie réelle (commerce international) et les transactions de l’économie financière est devenue monstrueuse : Chaque jour, il circule 50 fois plus de capitaux spéculatifs que de capitaux associés à des opérations économiques.

 

Cette évolution a pu atteindre de tels sommets grâce à la convergence de plusieurs facteurs : La déréglementation ; les taux de change flottants (plus de la moitié de la spéculation) ; la constitution de méga-groupes financiers multinationaux avec la fusion des activités bancaires et d’assurance ; le développement des applications de l’informatique par la spéculation (arrivée des automates : trading haute fréquence) ; l’extension considérable des masses de capitaux disponibles chez les investisseurs institutionnels ( fonds de pension, caisses de retraites et d’assurance ; offices de placement collectif d’épargne) ; l’accroissement des déséquilibres commerciaux (recyclage des pétrodollars, excédents de la Chine et de l’Allemagne) ; explosion des activités spéculatives dites de « marché » avec les produits dérivés ; développement de structures spécialisées (hedge funds) et des opérations transitant par les paradis fiscaux.

 

L’énorme activité spéculative accroît l’instabilité des cours des matières premières agricoles et minérales. Elle accroît les risques sur les échanges internationaux et en même temps développe, de manière incontrôlée, les marchés dérivés pour se couvrir des risques (fluctuations de taux de change, des cours, des taux d’intérêts). Une grande partie du commerce international des matières est passée sous le contrôle de méga-sociétés de trading (telles que Cargill, Glencore, Louis Dreyfus…) dont l’activité principale (sinon exclusive) relève de la spéculation.

 

L’explosion prédatrice de la bulle financière ne relève d’aucune nécessité fatale, ni d’aucune utilité incontournable pour la promotion de la « croissance » mondiale. Toutes les expériences historiques montrent que le développement des pays est passé et passe par la concentration de facteurs endogènes orientées par une volonté politique autonome. Cette bulle est bien parasitaire, associée à la mondialisation capitaliste et le dogme ultra-libéral. Arraisonner l’économie-casino ne relève que d’un ensemble de décisions pour la construction d’un nouvel ordre monétaire et financier international, sur des bases de stabilité justes et coopératives.

 

1) L'éradication de la spéculation

 

La plus grande partie de la spéculation (environ la moitié) se réalise sur les monnaies, en organisant la volatilité des taux de change pour y capter des gains. C’est là que l’on trouve le trading haute fréquence par l’intermédiaire d’automates programmés pour des interventions à l’échelle de la nano-seconde. D’autres interventions sont ciblées pour attaquer telle ou telle devise, en déplaçant des capitaux massifs.

Ces fluctuations horaires des parités monétaires sont en effet accrues par l’importance des fonds dont dispose les méga-opérateurs financiers. Cette instabilité permanente alimente aussi les marchés de produits dérivés qui sont au départ des marchés de couverture (à terme) contre les risques de fluctuations. Toutes ces opérations quotidiennes associées aux taux de change flottants au gré des marchés ne peuvent qu’être considérées à la fois parasitaires et génératrices d’instabilité. Elles alimentent en outre le passage du négoce des principales matières agricoles et minières, sous la coupe de sociétés de trading à vocation spéculative.

 

Le rétablissement du régime de la fixité des taux de change apparaît la seule solution pour rétablir la stabilité et éliminer la spéculation. Le pouvoir serait ainsi redonner aux États de fixer les parités de leur monnaie dans le cadre d’une concertation internationale ainsi que de procéder à des réajustements ponctuels en cas de creusement de déséquilibres économiques. Plusieurs paramètres sont à intégrer pour la détermination d’une parité monétaire : le prix d’un panier de consommation courante eu égard au pouvoir d’achat local ; la situation de la balance commerciale et de celle des paiements ; l’état des structures productives compte tenu des niveaux de productivité et de compétitivité. Il est urgent de rééquilibrer les parités des grandes monnaies internationales : Notamment la sous-évaluation du dollar et du yuan ; la surévaluation de l’euro. L’axe majeur de la négociation pour un nouvel ordre monétaire international passe bien par la promotion du retour au principe de la fixité des taux de change sous la conduite des États.

 

En supprimant le marché spéculatif des changes, une grande partie des marchés de produits dérivés perd sa raison d’être : celle des produits de couverture de change. Crever la bulle des produits dérivés (dont le montant exorbitant reste inconnaissable) passe également par une série d’interdictions de transactions purement spéculatives : Les produits assis sur des actifs sous-jacents ne correspondant pas à des opérations réelles (indices boursiers, indices de cours des matières, indices de taux d’intérêts…).

 

En redonnant aux banques nationales les pouvoirs de la souveraineté monétaire, on peut également s’attaquer aux pressions et à la spéculation des marchés financiers sur les titres d’État. Les banques centrales assureraient la garantie de remboursement de ces titres : Prises en pension avant l’échéance ; garantie de paiements à l’échéance. Ainsi, les marchés primaires et secondaires des titres d’État seraient soustraits de la spéculation. De même, les produits dérivés d’assurances sur risques de non-paiement (les C.D.S.) seraient purement éliminés.

 

Le marché des actions cotées en bourse est moins important en masse. Sa dimension spéculative doit est remise en cause, notamment par une taxation renforcée sur les plus-values. Les grandes entreprises ne devraient pas être soumises au seul objectif de créer de la « valeur » pour l’actionnaire, c'est-à-dire à la logique prioritaire de réalisation de plus-value (réalisables)) sur les cessions de titres. Une grande partie des actions est souscrite par l’épargne publique, avec l’intermédiaire de fonds de placement collectif (SICAV, assurance-vie…) pour de simples motifs de placement. Ces fonds investis devraient davantage s’apparenter à des prêts rémunérés par des intérêts à taux fixes (premier dividende), éventuellement complétés d’une prime variable en fonction des résultats (superdividende). L’existence et le rôle des Bourses sont également posés. Le caractère parasitaire de ces institutions s’est considérablement accru. Les fonds sortants sous forme de dividendes et de rachats par les groupes de leurs propres actions sont devenus supérieurs aux fonds entrants pour l’investissement financier. Ces fonds entrants sont pour l’essentiel affectés au financement de la stratégie prédatrice des groupes multinationaux : prises de contrôle de concurrents, absorptions, fusions, raids boursiers agressifs.

L’idée de fermer les bourses des valeurs mobilières est tout à fait réaliste. Sur le marché primaire des actions et obligations, la souscription des fonds pourrait se réaliser directement par les banques, comme cela se pratique d’ailleurs aujourd’hui. La régulation des souscriptions peut se faire en temps réel sous le contrôle de la banque nationale, au lieu de transiter par une institution dédiée. Les marchés secondaires pourraient n’être ouverts qu’en fin de période semestrielle ou annuelle, toujours au domicile des banques. Les bourses sont aujourd’hui des lieux virtuels, des alignements de serveurs informatiques reliés à un ordinateur central dont les flux sont gouvernés par des algorithmes. Le marché boursier est totalement parasitaire, servant de support à la spéculation et à la prédation.

 

En réduisant ainsi les bases de l’instabilité source de spéculation parasitaire, c’est l’existence même des activités bancaires dites de marché qui est remise en cause. C’est tout un enchaînement vertueux qui pourrait se développer. La stabilité des taux de change sur de justes parités permettrait d’assainir le commerce international, en créant un contexte favorable à des coopérations s’inscrivant dans le long terme. Les produits dérivés de couverture de change disparaîtraient. En redonnant aux banques centrales les pouvoirs effectifs de souveraineté monétaire, on s’attaque à la spéculation sur les titres étatiques et on élimine les produits d’assurances type C.D.S.. En supprimant ces activités financières parasitaires, les besoins de trésorerie interbancaire et les risques systémiques de faillite bancaire seraient sur la voie d’une régression. Les banques retrouveraient leur fonction centrale d’assurer les moyens de paiement, la sécurité de l’épargne, le financement de l’économie réelle.

 

2) Le contrôle des capitaux

Parallèlement à l’éradication de la spéculation, il est nécessaire de rétablir le contrôle des mouvements externes de capitaux. Ce contrôle qui s’effectuait par l’intermédiaire du fonds de stabilisation des changes géré par la Banque de France a été supprimé en 1989 par P. Bérégovoy.

Le principe de la démondialisation financière repose sur l’affectation prioritaire des capitaux dans les pays où ils sont nés des fruits de l’économie réelle. Il s’agit ainsi de remettre au centre des politiques financières la recherche d’un double équilibre :

 

  • L’équilibre de la balance commerciale et de celle des paiements.

  • Le financement des dettes internes par l’épargne interne.

 

La circulation des capitaux devrait essentiellement se circonscrire aux opérations de commerce international et de l’investissement direct. Les transferts répondant au seul motif de placement devraient, sauf exception être interdits ou encadrés. Cela concerne les placements de l’épargne des particuliers et des entreprises, notamment pour des motifs d’optimisation fiscale. Les placements réalisés par les firmes multinationales devraient faire l’objet de conventions qui en définissent le cadre et les limites : Opérations de trésorerie, transfert de revenus, investissements.

Les règles et procédures de circulation des capitaux doivent être définies sur la base de la transparence et des liens incontournables entre la banque centrale et les banques commerciales :

 

  • Les banques commerciales auraient la mission d’assurer le respect des normes dans l’exécution des transferts. Cette délégation étant contrôlée.

  • Le marché des devises ne pourrait s’effectuer que par l’intermédiaire du fonds de stabilisation des changes de la banque centrale.

  • L'arrêt des détournements par les paradis fiscaux

 

3) La socialisation du secteur bancaire et financier

 

La monnaie est un bien commun issu des nécessités de l’échange dans une société de division du travail, qui repose sur le pouvoir d’émission et la garantie de l’État.

Les banques assurent la collecte et la circulation de ce moyen de paiement ainsi que la transformation de l’épargne en crédit. Elles remplissent avec « l’argent des autres » une mission de service public. La possibilité que leurs activités soient parasitées par la concurrence effrénée et la recherche de profits pour elles mêmes parait incompatible avec la nature de leur mission. Les activités spéculatives dites de marché étant suspendues, les banques doivent retrouver leur rôle d’être au service de l’économie réelle.

Le secteur bancaire et financier doit donc être socialisé. Les problèmes et modalités juridiques de cette socialisation sont loin d’être insurmontables, puisque l’actionnariat des groupes est lui-même socialisé.

 

  • Pour une partie du secteur, l’actionnariat principal se trouve du côté de l’État, des investisseurs institutionnels et des salariés. C’est le cas, par exemple de BNP Paribas. Le passage sous le régime d’une nationalisation n’impliquerait donc pas de modifications substantielles de la répartition du capital, mais supposerait la démocratisation des instances de gouvernance.

  • Pour une autre partie, la propriété du capital relève d’un statut coopératif. Ainsi, le Crédit Agricole (deuxième groupe français) est détenue majoritairement par les caisses régionales qui elles mêmes sont dotées par les coopérateurs des caisses locales. L’enjeu se situe donc d’abord au niveau d’un retour à la source des valeurs et du fonctionnement coopératif.

 

Le problème majeur est bien celui de la réorientation de la démocratisation des activités au service de l’intérêt général. L’autre problème étant celui de la séparation et du redécoupage des activités des groupes.

L’évolution vers la globalisation des activités doit être remise en cause :

 

  • La séparation entre activité bancaire et d’assurance doit être rétablie. Le rôle des compagnies d’assurance génère des mouvements et des placements de capitaux de nature bien spécifiques : la constitution et la gestion de provisions techniques se situe dans une optique de sécurisation des fonds, donc dans une vision de long terme.

  • La séparation des activités de banque de détail et de banque d’investissements doit également être réintroduite. Cela peut aller de pair avec le rétablissement d’une certaine spécialisation des établissements pour de meilleurs services aux différents types d’usagers : Particuliers, très petites entreprises, PME…La réintroduction d’une certaine autonomie des banques régionales serait un facteur de démocratisation, de contrôle par les usagers, de recherche d’adaptation aux besoins locaux.

  • Débarrassé de la globalisation financière spéculative, les relations entre les établissements nationaux et les filiales étrangères devront être clarifiées et contrôlées. Le périmètre des groupes financiers re-nationalisés doit être redécoupé, en éliminant les filiales des paradis fiscaux, en cédant des filiales étrangères dont le rattachement n’est pas compatible avec la stratégie d’intérêt général.

 

 

 

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